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PORTRAIT DE PRO : PROFESSEUR EMMANUEL SIMON

« Les femmes doivent exiger un dépistage du CMV en début de grossesse »

Le Professeur Simon est chef du pôle gynécologie, obstétrique et biologie de la reproduction au CHU Dijon et coordinateur du diplôme universitaire de gynéco-obstétrique de Bourgogne.




Professeur Emmanuel Simon
Professeur Emmanuel Simon

C’est quoi le CMV ?

C’est une maladie connue depuis 1926 dont la transmission de la mère à l’enfant est établie depuis 1964. Le cytomégalovirus, appelé communément CMV est un virus appartenant à la famille des Herpes viridae, autrement dit des herpès. Il se transmet par les sécrétions corporelles, telles que les larmes, la salive ou encore l’urine. Bien qu’il soit inoffensif la plupart du temps, le CMV peut avoir des conséquences graves pendant la grossesse pour le fœtus, surtout lorsque l’infection a lieu au premier trimestre.


Quelles genres de lésions provoque le CMV ?

Le CMV peut provoquer des lésions au niveau du cerveau du bébé à naître, créant, dans certains cas, des déficiences neurosensorielles très importantes. À titre d’exemple, le CMV est la première cause de surdité non génétique en Europe.


Est-ce que certaines femmes enceintes sont plus à risque que d’autres ?

Oui, on peut en effet établir un portrait-robot des femmes concernées. Elles sont jeunes(moins de 35 ans), en bonne santé ; elles ont un enfant de moins de 3 ans, gardé en crèche, et sont séronégatives au moment où elles ont accouché.


Le CMV est l’infection congénitale la plus fréquente (5 fois plus fréquente que la toxoplasmose et 4 fois plus que la trisomie 21), pourtant son dépistage n’est pas obligatoire. Pourquoi ?

En décembre 2018, le Haut Conseil de la Santé Publique n’a pas recommandé ce dépistage, enconsidérant que l’information et les mesures d’hygiènes étaient suffisantes pour contrôler leproblème. Les mesures d’hygiène à prendre pour la femme enceinte et son conjoint sont les suivantes :

  • ne pas embrasser les joues d’un enfant qui pleure

  • ne pas embrasser un enfant sur la bouche

  • ne pas toucher la tétine de l’enfant

  • ne pas manger ou boire avec sa cuillère ou son verre

  • se laver les mains au moment du change

  • changer les couches avec des gants

  • rester à distance d’un enfant qui tousse

Ces mesures d’hygiène sont certes efficaces mais elles ne sont pas faciles à mettre en place,et surtout, elles sont expliquées trop tardivement aux femmes enceintes. En effet, la prévention doit surtout s’appliquer en début de grossesse, à un moment où la femme n’a pas encore rencontré son médecin ou sa sage-femme.

 

Qu’est-ce qui pourrait vraiment stopper le CMV dans son élan ?

Il est temps de dépister ! Nous sommes nombreux, à l’image du Professeur Yves Ville, chef du service obstétrique de l’hôpital Necker, et expert internationalement reconnu sur le CMV à réclamer un dépistage obligatoire. C’est déjà le cas en Grèce, en Allemagne ou en Israël, où toutes les futures mamans sont testées. En France, cette position est également soutenue par le GRIG (Groupe de Recherche sur les Infections pendant la Grossesse), qui est une société savante présidée par le Professeur Olivier Picone.

 

À quel moment le dépistage doit-il être effectué ?

Le plus tôt possible. Dès qu’elles découvrent l’existence d’une grossesse, les femmes doivent exiger un dépistage du CMV. Le risque de handicap concerne exclusivement le premier trimestre de la grossesse, il ne faut donc pas attendre. L’idéal est de faire un premier prélèvement sanguin pour une sérologie CMV au moment de la découverte de la grossesse, puis un second prélèvement autour de 12 semaines d’aménorrhées. Au-delà de 12 semaines d’aménorrhées, l’infection est toujours possible, mais il n’existe plus aucun risque de surdité ou de handicap. C’est un dépistage simple et fiable.

Que se passe-t-il si le dépistage révèle une infection ?

Depuis le dernier rapport du Haut Conseil de la Santé Publique, nous avons beaucoup progressé et nous sommes désormais en mesure de proposer un traitement préventif aux femmes enceintes infectées par le CMV. La prise d’un médicament antiviral peut faire baisser le risque de transmission à l’enfant de 70%. On va ensuite évaluer l’avancée du virus en réalisant une amniocentèse. Si par malchance, le virus a infecté l’enfant, alors on proposera une prise en charge qui est désormais bien codifiée, et qui ne se résume pas à proposer une interruption médicale de grossesse. La frilosité de certaines institutions vis-à-vis du dépistage s’explique par la volonté de ne pas angoisser inutilement la population, et de ne pas générer des interruptions médicales de grossesse injustifiées. Cette époque est désormais révolue et nos connaissances sur le virus sont suffisamment précises pour nous permettre d’accompagner les couples concernés, et d’améliorer le pronostic de ces enfants. Si votre dépistage est positif, il ne faut pas paniquer car les choses iront bien dans la grande majorité des cas. En revanche, il sera nécessaire d’avoir une consultation au CHU pour être guidée de façon adéquate.

Est-ce qu’un vaccin pourrait être envisagé ?

Oui, un vaccin est déjà à l’étude et il existe actuellement un essai clinique international pour en tester l’efficacité et l’innocuité. Même si ce vaccin suscite un espoir important, celui-ci ne sera pas disponible en France avant plusieurs années. En attendant, tout doit être fait pour limiter cette infection : il faut évidemment garder en tête les mesures d’hygiène mais surtout réclamer systématiquement un dépistage lorsqu’on a un enfant de moins de 3 ans gardé en collectivité.

 

Professeur SIMON

Chef du pôle gynécologie, obstétrique et biologie de la reproduction au CHU Dijon

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