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PORTRAIT DE PRO : Stéphanie Leclercq

Le « baby clash » :quand tout part en vrille après la naissancE

Stéphanie Leclercq est psychiatre spécialiste de la périnatalité. Elle accompagne les futures mamans et les jeunes parents dans leurs premiers pas à 3...

« Il faut montrer à l’enfant que la séparation est une décision d’adultes et à terme le rassurer sur le fait qu’il n’y est pour rien. »

« C’est que du bonheur ». À force d’entendre cette phrase, on a parfois du mal à imaginer que cela puisse en être autrement. Sauf qu’entre la théorie et à la pratique, il y a parfois un fossé, voire un ravin, voire un canyon du Colorado. Si la vie d’une famille, l’arrivée d’un enfant est un moment fondateur, la grossesse et l’année qui suit la naissance sont des périodes à risque pour les couples. Certains se retrouvent dans l’impasse et ne voient qu’une seule issue : la séparation. Forcément, cette rupture devient une source de culpabilité immense pour les parents : ils se retrouvent à devoir faire le deuil d’un idéal de la famille – papa, maman et bébé – et à s’adapter à des turbulences affectives importantes. Mais qu’en est-il en pratique pour l’enfant? On a posé la question qui tue à Stéphanie Leclercq, notre super psy.


Stephanie Leclercq - psychiatre
Stephanie Leclercq - psychiatre

Quelles sont les principales causes de « baby clash » ?

Les raisons de ce « baby clash » sont multiples et interdépendantes. Il y a des facteurs liés au désir d’enfant et au fait de devenir parents : divergences éducatives ou réactivation de blessures en lien avec sa propre histoire personnelle et familiale… Il y a des facteurs liés au bébé: tempérament, inquiétudes en lien avec sa santé… Et des facteurs surajoutés: privation de sommeil, difficultés financières, déménagement…


On entend souvent des parents dire « je reste pour l’enfant ». Qu’en pensez-vous ?

Il est important de comprendre que pour l'enfant, vivre dans une famille sans dialogue, entouré de tensions et de conflits peut être plus douloureux que d'avoir des parents séparés. L'essentiel pour lui est que l'organisation parentale soit claire, stable et permanente. Ce n'est pas l'acte de séparation en soi qui est déterminant, mais plutôt ce qu’il va en vivre au quotidien. Un seul enjeu: l’entente parentale !


Comment annoncer une séparation à un bébé ?

Cette annonce est symbolique pour les parents mais n’a au final que peu d’impact sur l’enfant. Avant de lui dire les choses, les parents doivent être en capacité de se les formuler clairement à eux-mêmes et de s'entendre sur les modalités à court et moyen termes. Avec le bébé, il s’agit d’utiliser des mots simples, en le regardant et en captant son attention. Les enfants n’ont généralement pas de souvenir conscient avant l’âge de 3 ans.


Et pour la garde de l’enfant, on fait comment ?

Une question récurrente et source de nombreux conflits est « quel mode de garde adopter ? ». Les spécialistes s’accordent à dire qu’avant 6 ans, la garde alternée est à proscrire. En effet, les changements trop répétés empêchent l’enfant d'avoir un « chez-lui » et de mettre en place des bases de sécurité interne. On privilégiera un domicile fixe, en donnant idéalement la possibilité à l’autre parent de venir régulièrement partager des moments du quotidien de l’enfant. Mieux vaut passer « moins » de temps avec bébé mais du temps de qualité dans un environnement qui lui est familier que de passer « plus » de temps mais vécu dans l’angoisse et les pleurs. Je comprends que cela puisse paraître difficile pour certains parents qui ressentent un profond sentiment d’injustice mais au-delà du droit des parents à avoir leur enfant chez eux, il y a le droit du bébé à avoir des parents bienveillants et sécurisants, garants de sa santé psychoaffective future. Au bout de quelques mois, il sera alors possible d’imaginer que bébé puisse passer une nuit ailleurs puis deux… L’important pour l’enfant est que ses parents puissent se respecter mutuellement dans leur rôle parental respectif et communiquer autour de son quotidien.


Après la séparation, c’est parfois la guerre entre les parents… Quels conseils peut-on donner à ces ex-couples sou pression ?

Je leur conseille d’organiser les relais et les rencontres dans des lieux familiers de l’enfant autres (crèche, nounou, grands-parents…). On me demande aussi souvent s’il faut ou non présenter la nouvelle compagne / le nouveau compagnon à l’enfant. Pas de précipitation ! L’enfant a besoin de repères stables et mieux vaut lui épargner d’avoir à gérer de nouvelles ruptures affectives. Attendez d’être sûr de vous et respectez votre ex conjoint en l’informant. Le temps est votre allié.


Quelle place donner aux grands parents après une séparation ?

Un grand parent est important bien sûr et peut être un repère affectif essentiel de l’enfant. Néanmoins, il n'a pas la priorité sur l’autre parent qui garde son rôle éducatif.


Quand les parents s’entendent, doivent-ils continuer d’avoir des activités communes ?

Faire « semblant » risque de maintenir l’enfant dans une sorte d’illusion qui n’est pas souhaitable. Il faut lui montrer que la séparation est une décision d’adultes et à terme le rassurer sur le fait qu’il n’y est pour rien.


Comment rassurer son bébé au moment de la séparation ?

Le bébé a besoin de repères, d’une forme de stabilité. Chez le petit, la séparation de ses parents va impacter profondément ce qu’il est, la construction de son monde interne, la structuration de son psychisme. Mais la manière dont il l’intégrera dépendra directement de la manière dont ses parents le vivent. Les modèles familiaux se réinventent, la vie de bébé sera différente bien sûr mais tant que ses parents se respectent et communiquent, il sera tout à fait armé pour y faire face.

Stéphanie Leclercq - Psychiatre spécialisée dans la prénatalité

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