
Emmanuel SImon
« On cherche avant tout à permettre aux femmes de bien vivre leur accouchement. »
Le Professeur Simon est chef du pôle gynécologie, obstétrique et biologie de la reproduction au CHU Dijon et coordinnateur du diplôme universitaire de gynéco-obstétrique de Bourgogne.
Comment appréhende-t-on l’accouchement dans les hôpitaux en France ? Et à Dijon en particulier ?
En France, nous avons de bons indicateurs de santé périnatale. Grâce à une croissance importante de la médicalisation de la grossesse ces dernières décennies, l’accouchement est sécurisé au maximum.
De plus en plus de femmes veulent accoucher de manière plus naturelle. Ça a un impact sur vos pratiques ?
C’est vrai, depuis quelques années, la demande d’un retour à un accouchement plus naturel est de plus en plus forte et les femmes aspirent à profiter pleinement de cette expérience. Ainsi à Dijon, nous disposons de « salles nature » : cela permet d’accoucher sans forcément avoir recours à la péridurale et de vivre cette expérience de manière plus intense. Il y a également une expérimentation menée par l’INSERN : les « maisons de naissance ». Ce sont des structures à proximité immédiate des maternités organisées uniquement par des sages-femmes pour un accouchement démédicalisé. Nous sommes évidemment très favorables à ces structures. Pour autant, nous devons trouver le bon positionnement sachant que des difficultés peuvent survenir durant l’accouchement et qu’une intervention chirurgicale césarienne doit parfois être pratiquée.
Justement, quelle est votre approche des césariennes ?
Au sein de la maternité du CHU de Dijon, le taux de césarienne n’est que de 18% (versus 20% au niveau national), nous sommes donc dans une approche raisonnée. Nous faisons particulièrement attention aux césariennes de convenance qui restent plus risquées qu’un accouchement par voie naturelle. A Dijon, nous réalisons plus de 3000 naissances par an, nous avons donc une vision assez large des différentes situations pouvant se présenter. Nous devons donc parfois modérer les désirs légitimes d’un couple. L’idée n’est pas d’imposer une décision mais plutôt d’être dans l’échange et l’information sur les risques. Finalement, l’objectif est de prendre une décision partagée entre le professionnel et le couple.
Quelle est la réponse médicale face à un couple qui a une forte préférence pour la césarienne ?
Il n’est pas question de juger. On explique au couple que la voie basse est préférable car globalement dans une situation lambda, la césarienne n’est pas l’option la moins risquée. Mais en cas de forte volonté, on réalise parfois des césariennes de convenance. Dans tous les cas, les professionnels de la périnatalité doivent être au côté des couples.
On parle souvent de « césariennes » comme un mot générique mais ce terme semble regrouper des situations très différentes. Qu’en est-il exactement ?
Le terme « césarienne » regroupe en réalité des situations très variées. Ainsi, on peut distinguer la césarienne programmée des césariennes d’urgence. Programmée, elle a fait l’objet d’une discussion, parfois d’un débat entre le médecin et les parents sur le rapport bénéfice-risque. Alors que la césarienne d’urgence, n’est simplement pas prévue.
Cela implique donc des risques et des décisions très variées d’un accouchement à l’autre ?
Au sein même des césariennes d’urgences, nous réalisons des distinctions d’une part par un code couleur selon le degré d’urgence et d’autre part selon le moment où est réalisée la césarienne au cours du travail. Il arrive que nous soyons obligés d’aller à contre-courant de la décision d’accouchement du couple. Ça peut surprendre : on parle de plus en plus des accouchements en salle nature ou maisons de naissances et on en vient à presque « oublier » qu’il peut y avoir des complications. Heureusement, elles sont détectées précocement et les accidents graves sont extrêmement rares.
Certaines césariennes ont, malgré tout, lieu dans des conditions plus cool ?
La césarienne code rouge est une vraie urgence pour autant les autres césariennes, même si elles surviennent en cours de travail, peuvent faire l’objet d’un accompagnement au bloc opératoire plus sympa. Par exemple, au CHU de Dijon, depuis plus d’un an, le coparent peut être au côté de sa femme dans le bloc opératoire. C’est très important pour la femme. De plus, lorsque l’enfant va bien, la femme peut prendre son bébé dans les bras, même si elle est sur la table d’opération et que l’intervention chirurgicale se poursuit. Le bébé part ensuite avec l’autre parent. Puis, l’équipe peut faire des photos du bébé pour les montrer pendant que le chirurgien finit l’intervention. Il y a même des expériences de césariennes dites physiologiques en Europe du Nord. Ça peut paraitre un peu paradoxal, mais ces césariennes consistent à utiliser des champs transparents et à faire pousser la femme au moment où la tête du bébé sort. Bien que le bébé ne sorte pas par voie naturelle, ces efforts sont utiles. Nous pouvons également au sein de notre CHU, lors de césariennes, demander aux femmes cette participation. C’est plus satisfaisant pour les femmes qui ont un peu plus l’impression d’avoir vécu un accouchement « normal ». On cherche avant tout à permettre aux femmes de bien vivre leur accouchement.
Que se passe t-il dans les jours qui suivent une césarienne ?
Il y a eu une réduction très significative du délai d’hospitalisation dans les maternités, notamment durant le premier confinement. On s’est rendu compte que ceci n’implique pas davantage de complications. Du coup, pour les couples souhaitant des durées d’hospitalisation très brèves, on essaie de favoriser leur choix. Dans le cas d’un accouchement par césarienne, les configurations sont très variées. Le temps de séjour moyen est de moins d’une semaine mais avec des différences selon les situations (difficultés lors de la mise en place de l’allaitement, faible poids du nouveau-né...). Le plus souvent, les femmes sont debout et en forme assez rapidement. On voit même se développer ce que l’on nomme la « réhabilitation précoce ». C’est une technique qui consiste à favoriser la reprise d’activité (marche, station debout) rapidement après l’intervention. Elle est possible grâce à des techniques anesthésiques particulières. En revanche, elle ne se prête pas à toutes les césariennes !
Et après la sortie de la maternité ?
Il faut savoir qu’une sage-femme peut intervenir dans les jours qui suivent, ce qui peut être particulièrement intéressant pour accompagner les jeunes parents après une césarienne. Nous restons également dispo pour revoir les femmes après leur retour à la maison, que ce soit dans un contexte d’urgence ou non. La visite post-natale a quant à elle lieu à 2 mois et idéalement avec la personne qui a réalisé la césarienne : ce sera l’occasion d’expliquer ce qui s’est passé. Mais on peut revoir la femme avant et globalement à tout moment !
Finalement, quel message est-il important de transmettre aux femmes ?
Je pense qu’il est important que les femmes aient confiance dans les professionnels de la maternité, dans leur sage-femme, médecin, auxiliaire de puériculture... car nous essayons de faire au mieux pour que cela se passe bien. Et lorsqu’on n’a pas le choix et que la situation l’impose, il ne faut pas le regretter : il est infiniment préférable de faire une césarienne au bon moment plutôt que de se lamenter parce qu’on a un enfant en réanimation...
emmanuel simon - chef du pôle gynécologique, obstétrique et biologie de la reproduction au CHU de dijon et coordinateur du diplôme universitaire de gynéco-obstétrique de bourgogne