Marie-Laure Balas
« Après une fausse couche, une femme s’interroge et se culpabilise. »
Marie-Laure Balas est psychologue et psychanalyste à la maternité du CHU de Dijon. Elle évoque l’accompagnement psychologique des femmes qui vivent l’expérience douloureuse de la fausse couche.
Comment se passe la prise en charge psychologique suite à une fausse couche ?
La patiente que je rencontre aura d’abord été prise en charge au niveau médical et sera donc passée par un intermédiaire qui me l’aura adressée : sa sage-femme, son gynécologue, son assistante sociale... Ils auront repéré qu’un soutien psychologique pourrait apaiser la patiente. Ensuite, en fonction des besoins de la patiente, je peux la voir sans être limitée dans le temps ni par le nombre de séances. Les consultations sont prises en charge par la maternité.
Que dit-on à une femme qui vient de faire une fausse couche ?
Ce qui va m’intéresser, ce n’est pas à proprement parler la fausse couche mais plutôt là où en est la patiente, ce qu’elle a compris de son histoire, ce qu’elle peut en dire, les interrogations qu’elle a. Je vais suivre son fil conducteur sans être influencée par un dossier médical que je fais le choix de ne pas consulter. Elle va me raconter ce qui lui est arrivé, mais à sa façon. La question de départ de notre entretien est « qu’est-ce qui fait qu’on se rencontre ? » Souvent cet événement de vie qu’est la fausse couche va faire écho à son histoire personnelle et la consultation va très vite s’élargir. La patiente va parler de son enfance, de sa place dans la fratrie, de sa mère, de sa relation avec ses parents, de son couple, des séparations qu’elle aura connues dans sa vie, etc.
L’impact psychologique est-il conditionné par l’âge du fœtus ?
Certaines femmes perdent leur embryon à quatre semaines d’aménorrhée et sont dévastées. D’autres vont perdre leur bébé à quatre mois et demi de grossesse - c’est encore considéré comme une fausse couche - et cela n’aura pas les mêmes effets sur elles. Tout dépend de la représentation que la mère, le couple avait de cette grossesse, de cet enfant à naître.
Parfois, les fausses couches se répètent. On imagine alors que les angoisses sont démultipliées ?
Je reçois très rarement les femmes après une première fausse couche. Elles viennent aux urgences, sont prises en charge par la maternité assez rapidement et retournent chez elles. Là, une espèce d’omerta se met en place. La famille ne sait pas comment se positionner et la médecine ne connait pas toujours les raisons d’une fausse couche. Il n’y a rien de plus angoissant que de ne pas savoir et une femme dont la grossesse s’arrête brusquement s’interroge, se sent responsable et se culpabilise : « Qu’est-ce que j’ai mal fait ? Je n’aurais pas dû faire ce trajet en voiture... » Cette culpabilité, cette responsabilité, cette angoisse augmentent avec les récidives. Je rencontre souvent ces femmes qui ont cumulé des fausses couches sans en connaitre les raisons.
Est-ce qu’un suivi peut être utile lorsqu’on est de nouveau enceinte ?
C’est un cas souvent rencontré. La patiente est enceinte, médicalement parlant tout se passe bien mais elle ressent des angoisses, pleure, craint que la grossesse s’arrête à nouveau ou que ses peurs n’affectent le bébé à venir. Peut-être aura-t-elle besoin alors de revenir sur une fausse couche passée. On va parfois pouvoir travailler sur ce que la maman veut transmettre à cet enfant, si elle ressent le besoin de lui raconter son histoire, de lui dire qu’elle a attendu un autre bébé avant lui.
La crainte de la récidive peut-elle empêcher la patiente de retomber enceinte ? M-L.B : On dit toujours que le corps et l’esprit interagissent l’un avec l’autre, c’est vrai mais ce n’est pas un lien de cause à effet. Certaines vivent des choses terribles mais parviennent à donner la vie quand d’autres ont des vies plus « normales » et n’arrivent pas à tomber enceintes. On touche là aussi à l’inconscient et aux limites actuelles de la médecine... mais la recherche avance.
Et le futur papa dans tout ça ?
Je leur propose toujours. Souvent l’homme accepte cette consultation à la demande de sa femme qui souhaite sa présence. Il va s’appuyer sur elle pour parler de lui. Il a l’occasion alors de se mettre en lien sa propre histoire. Contrairement à ce qu’on pense, les hommes s’ouvrent et parlent..
Marie-Laure Balas – Psychologue - Psychanalyste